3.08 De la morale fiscale

Les raisons du maintien du secret fiscal pour les non-résidents.

La Chambre des députés vient d’être saisie d’une pétition portant le n° 755, signée par plus de 7000 électeurs. On y demande l’abolition du secret bancaire.

Pendant des années ce secret était considéré comme un atout de notre place financière et défendu bec et ongles par les porte-paroles de celle-ci. Cette attitude fut admise par nos grands partis et pour le moins tolérée par le monde syndical. Secoué par les «luxleaks» et le scandale des «tax rulings», sans oublier la critique générale des «tax heaven» existants au sein de l’Union européenne. Nous avons finalement levé ce secret fiscal pour les non-résidents, il continue d’être d’application pour les résidents luxembourgeois et est respecté par nos administrations, y inclus l’Administration des contributions directes.

Pour les signataires de la pétition il est évident que le maintien du secret fiscal pour les résidents luxembourgeois sert avant tout à la fraude fiscale. Vouloir le maintenir relèverait donc d’une attitude curieuse de la part de notre État qui, tout en traquant la fraude fiscale, maintiendrait une disposition la favorisant.

Cette pétition m’a rappelé mon étonnement lorsque j’appris, il y a longtemps de cela, la suppression de la déclaration de la fortune. Je comprenais la suppression de l’impôt, suppression propice à attirer des capitaux étrangers. Je m’offusquais par contre de la suppression de la déclaration de fortune.

Cette disposition rendait en effet possible un «Vermögensvergleich», une comparaison annuelle de la fortune des contribuables héritée du maintien, après la guerre, du système fiscal allemand, réputé pour son efficacité. Elle permettait au fisc de vérifier si la variation de fortune annuelle d’un contribuable était cohérente avec celle son revenu déclaré.

Depuis lors j’ai changé quelque peu d’opinion, suite surtout aux entretiens que j’ai pu avoir avec des fiscalistes. Selon eux le volume des comparaisons de fortune à éplucher avait rendu leur utilisation aléatoire et, pour des contribuables vraiment importants, illusoire. Selon eux il est possible pour un fraudeur avisé, malgré cette comparaison, de cacher son argent noir et la suppression du secret bancaire n’y changerait pas grand-chose. Les «victimes» en seraient avant tout du «menu fretin» peu habile à cacher sa fraude ainsi que des déclarants négligents, en général repérés par d’autres moyens. Le «grand fretin» cependant, bien conseillé comme il va de soi, n’en serait guère touché.

À ces considérations quelque peu désabusées s’ajoutent deux autres considérations.

Il y a d’abord le danger que toute modification pouvant être interprétée comme un resserrement de la vis fiscale, soit ressentie comme un signal d’alarme encourageant la fuite des capitaux et décourageant leur arrivée: au lieu de mener à des rentrées fiscales supplémentaires, le contraire en serait le résultat. Il en est d’ailleurs de même de la récente augmentation du taux d’imposition maximum pour les personnes physiques.

Il y a ensuite l’argument que l’abolition du secret bancaire pour les résidents du pays serait une atteinte à la protection de la vie privée, considération dont l’importance pourrait l’emporter sur les considérations bassement matérialistes du soussigné.

Conclusion: on est curieux des débats lorsque la pétition sera examinée par la Chambre des députés, si toutes fois tel sera le cas !

JH, le 2 mars 2017

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