Boris Johnson dans ses œuvres.
Des incongruités d’une démarche britannique allant nuire à l’Union économique européenne et, plus particulièrement, à la Grande Bretagne.
Il m’est difficile de résister à la tentation de commenter ce qui est un drame pour les uns, pour d’autres une farce monumentale et qui est en train de se dérouler en Grande Bretagne: le Brexit.
Ci-après je rappelle, dans ses grandes lignes, les faits tels que je les ai retenus, sans prétention d’exactitude chronologique.
David Cameron, Premier ministre britannique, disposant d’une majorité confortable au Parlement, croyant avoir le vent en poupe et désireux de se débarrasser des populistes prônant une sortie de la Grande Bretagne de l’Union Européenne, décide d’organiser un referendum afin de voir confirmée sa politique pro-européenne. Sans s’en rendre compte il ouvre ainsi une voie royale aux nationalistes frustrés et autres mécontents, les premiers ne reculant devant aucun mensonge pour faire croire qu’en quittant l’Union Européenne, la Grande Bretagne retrouvera. en mieux, son ancienne splendeur, sûrs en plus de pouvoir compter sur les divisions entre les pays membres de l’U.E. pour obtenir des conditions de sortie avantageuses.
Le résultat du referendum est étriqué. L’Ecosse et l’Irlande du Nord votent, avec une petite majorité, pour le maintien de la Grande Bretagne dans l’U.E., Londres fait de même, le résultat global donne cependant une faible majorité en faveur de la sortie de l’U.E. David Cameron doit s’en aller et est remplacé par Theresa May, fervente du parti conservateur, fermement résolue à sortir d’une façon ordonnée de l’U.E.
Sous Theresa May les autorités britanniques entament enfin des négociations sérieuses avec Bruxelles. Ils réalisent alors qu’ils ont en face d’eux un négociateur, Michel Barnier qui, sûr de l’appui de tous les autres États membres de l’U.E. et nullement disposé à un arrangement accommodant pouvant encourager d’autres velléités séparatistes. Le Président luxembourgeois de l’U.E. se montre conciliant mais reste, lui aussi, inflexible, désireux, tout comme Barnier, d’éviter que l’échec prévisible des négociations puisse être imputé à l’U.E. Les Britanniques acceptent finalement des conditions financières équilibrées, fort éloignées des promesses délirantes avancées pendant la campagne électorale par les nationalistes. Les négociations s’achoppent cependant sur une conséquence imprévue du Brexit alors qu’elle aurait dû être évidente dès le début : le problème irlandais.
En Irlande du Nord, partie intégrante de la Grande Bretagne, les catholiques souhaitent depuis des générations rejoindre la République irlandaise, lutte ayant donné lieu à des affrontements sanglants jusqu’au jour où l’adhésion britannique à la Communauté Européenne a fait tomber la frontière entre les deux parties de l’ile irlandaise.
Le “Brexit” rétablirait cette frontière, rallumerait ces affrontements !
Problème pourtant inhérent, de par sa nature, au Brexit, sa solution exigeant soit une sortie de l’Ulster du Royaume Uni, ou du moins un régime spécial impliquant une frontière douanière de l’Irlande du nord avec la Grande Bretagne, inacceptable pour la plupart des Britanniques, soit une sortie de la République d’Irlande de l’U.E., hypothèse tout à fait exclue. Problème insoluble!
Incapables de trouver une solution, les parties conviennent alors que la Grande Bretagne et l’U.E. continuent à former une sorte d’union douanière en attendant qu’on trouve une solution au problème irlandais. C’est le fameux “back stop”. Faute de trouver une solution dans un certain délai, le Royaume devra rester alors membre de l’U.E. (ou en sortir sans accord?).
Présenté au Parlement britannique sous rédactions différentes mais essentiellement identiques, ce compromis est refusé à trois reprises. Compréhensible vu le hiatus irlandais mais montrant que l’opposition est divisée entre pro- et anti-exit, incapable de proposer une solution alternative. Alors que beaucoup réclament l’organisation d’un second referendum, les gens étant maintenant mieux informés, Mme May s’y refuse, probablement parce qu’elle en redoute le résultat. Exit finalement Theresa May et nomination comme Premier ministre de Boris Johnson, ancien “Mayor” de Londres, un adhérent flamboyant du Brexit ayant promis monts et merveilles pendant la campagne électorale en cas de victoire du Brexit. Il s’engage à faire sortir la Grande Bretagne de l’U.E. le 31 octobre 2019, avec ou sans accord avec l’U.E.
Des élections législatives ont infligé entretemps une défaite cinglante à la majorité conservatrice qui dépend désormais de l’appui d’un petit parti anglophile de l’Irlande du Nord pour garder d’abord une très faible majorité à Westminster, perdue ensuite à la suite des élections.
Depuis lors on assiste à une suite de gaffes de la part du nouveau Premier ministre, la dernière ayant consisté à suspendre le Parlement pendant cinq semaines, décision promptement déclarée illégale par la Cour suprême du pays. Johnson serait cependant d’accord à ce qu’on organise de nouvelles élections, mais le Parlement y met des conditions inacceptables pour le Gouvernement. Un imbroglio difficile à décrire correctement. Peu importe d’ailleurs son analyse exacte et détaillée, le “Scherbenhaufen” est visible pour tous.
On en est là. La Britanniques sont maintenant divisés, au Parlement le Gouvernement est minoritaire, le parti conservateur a perdu sa crédibilité, le Labour se trouve sous un président ombrageux, d’obédience marxiste, dont on décèle mal la stratégie poursuivie. Seuls les Libéraux sont unis dans leur opposition constante à un Brexit, quel qu’en soit la formule. L’opposition est ainsi divisée, le Gouvernement sans majorité..
Du jamais vu!
On est tenté de penser qu’en cas de Brexit “sauvage”, l’ancienne frontière entre l’Ulster et la République d’Irlande sera automatiquement rétablie. Pourquoi ne pas accepter dès lors, “la mort dans l’âme”, l’inévitable: le rétablissement en Irlande de l’ancienne frontière et, pour le reste, les dispositions acceptées par le Gouvernement May? Boris Johnson préfère-t-il un Brexit “sauvage” afin d’échapper aux conséquences financières d’un Brexit ordonné, contrevenir ainsi au droit international?
L’avenir le dira.
Dans les autres États-membres de l’U.E. le sentiment que “cela suffit” s’est entretemps largement répandu. Et chacun de se poser des questions sur la motivation, les traditions, les particularités de la société britannique ayant rendu possible une telle situation.
Pour le soussigné la sortie de la Grande Bretagne de l’U.E. d’ici un mois, sans aucun accord, dorénavant hautement probable, aura au moins l’avantage non seulement de mettre fin aux incertitudes actuelles mais aussi de faire comprendre à nos eurosceptiques et nationalistes de tout bord, à quoi il faut s’attendre si on veut quitter l’U.E..
Le Brexit “sauvage” a aussi des avantages, du moins de ce côté-ci de la Manche!
J.H. le 1er octobre 2019