6.14 Le Droit constitutionnel national est-il supérieur au Droit européen ou est-ce le contraire?

À propos de cette question le Figaro du 26 octobre contient une interview avec Henri Guaino, haut fonctionnaire et homme politique français. membre du parti “Les Républicains”, ancien speechwriter du Président Nicolas Sarkosy. Henri Guaino n’y dément pas son penchant gaulliste. Quant au titre de la présente, il s’agit en l’occurrence d’un sujet peu discuté, la primauté du Droit européen étant généralement admise.

Le différend entre la Commission et la Pologne vient de donner à cette question une actualité nouvelle.

Dans son interview Guaino rappelle que la Cour constitutionnelle fédérale allemande ne reconnait pas une primauté absolue d’application du droit de l’Union et que le Conseil constitutionnel français fait de même, “les règles et principes inhérents à l’identité constitutionnelle de la France l’emportant sur les Traités européens”.

Selon Guaino, la souveraineté d’une nation implique son droit imprescriptible de faire ou de défaire ce qu’elle a fait. Si la “législation” européenne l’emporterait ainsi sur les “législations” nationales des États-membres, il en serait le contraire en matière “constitutionnelle”.

J’en suis resté bouche bée.

J’aurais cru que les nations actuelles sont nées d’un processus historique, pas nécessairement dû à la volonté de leurs peuples. L’identité de la nation luxembourgeoise ne s’est ainsi développée qu’à partir de 1839, suite à la volonté des grandes puissances de rendre le pays indépendant. Celle de l’Italie et d’autres États  bien plus tard encore. Il est vrai que celle de la France est très ancienne. Ce faisant, ces États ont parfois supplanté d’autres entités nationales.

Mais pourquoi les décisions ou les développements ayant mené à l’existence des nations actuelles leur auraient-ils donné une valeur supérieure à celle d’une Europe unie, née de la décision unanime d’une vingtaine de démocraties souveraines de se constituer en Union, celle-ci pouvant, à son tour, si telle est la volonté de ses citoyens, acquérir une nouvelle identité “nationale”?

Pour quelles raisons, par quelle magie, les États souverains actuels, auraient-ils une pérennité “éternelle” que n’avaient pas les États souverains qu’ils ont supplantés, interdisant, excluant leur propre disparition au profit d’un nouvel État souverain ayant pourtant acquis une identité nationale?

Peut-on décider de l’avenir, exclure légalement à tout jamais une certaine évolution? N’est-ce pas un brin prétentieux?

Franchement, je ne comprends pas.

JH, publié le 26 septembre 2021, complété le lendemain.

Ajoute

 Dans le texte ci-dessus une question n’a pas été traitée: les pays membres ont tous souscrit au principe que leur Union doit devenir de plus en plus étroite: ” an ever closer union”. Devenir une puissance mondiale capable de défendre ses valeurs, économiquement et, si nécessaire, militairement, dotée d’un Gouvernement répondant à un Parlement Européen et d’une juridiction constitutionnelle, telle me paraît être sinon devrait être la feuille de route de notre Union.

Il est bien possible que des constitutions nationales n’en tiennent pas encore compte. Alors de deux choses l’une: soit une majorité des États membres, sinon tous, adaptent leurs constitutions, si nécessaire. En émergera alors une Union Européenne comptant parmi les grandes puissances de ce monde et tant pis si l’un ou l’autre Membre doit quitter l’Union. Cependan si  une partie significative  de ses membres y renonce, nous subirons le sort que nous réservera l’affrontement des grandes puissances. On se mettra alors probablement à côté des États-Unis, excepté l’un ou l’autre Membre, mais sans y ayant un mot à dire.

C’est un choix.

Actuellement nous avons la prétention de poursuivre la voie unitaire mais la Commission n’a haussé le ton vis à vis de la Pologne que tardivement, encourageant ainsi d’autres velléités nationalistes. Il faut bien sûr donner au peuple polonais le temps de faire usage de ses droits et de mettre les pendules à l’heure. Mais il faut éviter de donner aux peuples européens l’impression que nous pouvons revenir impunément à nos égoïsmes nationaux.

JH, le 29 octobre 2021

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