3.02 La richesse des Luxembourgeois

Un cliché trompeur accepté par les Luxembourgeois.

Le mal fondé de la réputation du Luxembourg comme pays extraordinairement riche et pourquoi les statistiques de l‘OCDE attribuent aux Luxembourgeois un niveau de vie sans commune mesure avec celui des autres Européens, niveau qui ne correspond pas à leur vécu.

Depuis des années les Luxembourgeois ont la réputation d’être riches, très riches même. Une réputation qui surprend beaucoup d’eux, tant leur train de vie personnel leur paraît modeste. La conviction des étrangers, bien compréhensible, que cette richesse est principalement due à une fiscalité par trop accommodante, ne nous a guère valu de sympathies. L’abolition du secret bancaire n’a pas fait disparaître cette réputation.

Il faut préciser ici que ce que visent ces critiques ce n’est pas la „richesse“, c’est à dire la fortune des Luxembourgeois, mais plutôt le niveau de leur revenu, mis en évidence par le train de vie de certains d’entre eux, surtout si en vacances à l’étranger.

À cela quelques chiffres qui concernent l’année 2012.

En 2012 le revenu brut interne (PIB) du Luxembourg s’éleva à 43 milliards d’Euros, dont 6,5 milliards étaient gagnés par des capitaux étrangers. Restaient 36,4 milliards gagnés, entre autres, aussi par les nombreux frontaliers travaillant au Luxembourg.

Or, lorsque l’OECD calcule le PIB par tête d’habitant de ses États membres, il ne tient compte ni du revenu des capitaux étrangers ni de celui des frontaliers, chiffres probablement considérés comme généralement marginaux. Pour le Luxembourg ils sont cependant tout sauf marginaux. D’où le mythe de la richesse des Luxembourgeois, qui leur vaut jalousie et animosité.

Qu’en est-il réellement?

En 2012 le PIB total du pays était donc de 43 milliards d’Euros. Lorsqu’on déduit de cette somme le revenu des frontaliers, soit 7,2 milliards et celui des capitaux étrangers, 6,5 milliards, il reste 29,2 milliards, soit un revenu moyen par habitant de 54 375 €.

Lorsqu’on estime que les frontaliers font partie de  ceux qui bénéficient de l’économie luxembourgeoise, son revenu national est augmenté de 7,2 milliards, a donc été de 36,4 milliards revenant aux résidents, aux frontaliers et aux familles de ceux-ci, le tout estimé ici à  870 000 personnes. Il en résulte un PIB moyen de 41 840 € par personne.

Voici maintenant  les chiffres OECD correspondants pour les trois voisins du Luxembourg

Allemagne:      31 900 €
France:            30 700 €
Belgique:         33 600 €

En examinant ces chiffres, il faut tenir compte du fait que le revenu moyen des Allemands est abaissé par les revenus relativement bas dans les nouveaux Länder de l’ancienne RDA. Des considérations semblables peuvent être avancées pour la France et la Belgique.

Le Luxembourg, par contre, peut être considéré, en comparaison internationale, comme un centre financier avec une banlieue, un hinterland. Si nous prenons alors les chiffres pour l’Ile de France, donc pour Paris (51 200 €), pour Bruxelles (62 000 €), pour Hambourg (52 500 €) ou encore Inner London (86 000 €), les choses se normalisent.

On constate ainsi que malgré les chiffres publiés par l’OECD, le revenu moyen des résidents luxembourgeois était en 2012 du même ordre que celui d’autres centres financiers. L’histoire des Luxembourgeois exceptionnellement riches n’est ainsi qu’un mythe, à moins que l’on considère que les Parisiens, les habitants de Hambourg, de Bruxelles ou de Londres, soient aussi des richards.

En 2012 les Luxembourgeois, ou plutôt les résidents du Luxembourg, car la moitié n’en est pas luxembourgeoise, se trouvaient donc, du point de vue leur revenu, en bonne compagnie quoi qu’en position enviable. Mais ils n’étaient pas les champions toutes catégories, rôle que la presse internationale persiste à leur attribuer.

Cette réputation est renforcée par un phénomène qui ne se retrouve pas dans ces chiffres.

Depuis des années, la vente de biens immobiliers aux immigrants fait rentrer de l’argent dans des poches luxembourgeoises. Comme l’immigration n’y connaît pas de répit, la demande immobilière ne faiblit pas non plus et les prix immobiliers continuent à monter. Malgré leurs ventes immobilières, le patrimoine net de Luxembourgeois ne baisse dès lors pas, ce serait plutôt le contraire. L’imposition modeste des plus-values ainsi réalisées renforce le phénomène. Le train de vie parfois peu discret de quelques Luxembourgeois à l’étranger confirme cette réputation de richesse alors que beaucoup de leurs compatriotes, qui n’avaient pas la bonne fortune de descendre de propriétaires immobiliers, ne bénéficient guère du phénomène décrit.

Puisqu’une partie importante du PIB luxembourgeois, tel qu’établi par l’OECD, ne revient pas qu’aux seuls résidents, les statistiques qui s’y réfèrent sont ainsi sujet à caution. D’autres phénomènes jouent en sens inverse. L’immigration d’une main d’œuvre née, élevée et éduquée à l’étranger, constitue ainsi un apport économique considérable pour le pays. Le fait que les frontaliers et leurs familles vivent à l’étranger, y bénéficient des infrastructures et des services publics, l’est aussi. L’accroissement rapide de sa population a par contre  des conséquences moins favorables pour le Luxembourg: malgré  des investissements  importants, son infrastructure  persiste à  rester insuffisante et son  environnement naturel en souffre.

Luxembourg, le 7 juin  2015

J.H.

(Texte basé sur un article publié en 2014 dans «forum» sous le titre Die Mär der reichen Luxemburger).

 

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