Le peu de support des enseignants pour la politique de Claude Meisch et la rareté de critiques constructives.
Le mois passé j’ai regretté dans ce blog que le livre de Claude Meisch, ministre de l’Éducation nationale, “Staark Kanner”, n’ait suscité aucune réaction. Or cela vient de se faire: André Wengler y a réagi dans le “Le Jeudi” du 7 Septembre 2018.
Il y dit tout d’abord sa répugnance à s’exprimer au sujet de vues qu’il n’a cessé de critiquer. Le style du ministre, qui s’est exprimé en luxembourgeois, lui paraît en plus exécrable: eng Datz fir de Minister! Ayant lu le livre, par devoir professionnel mais en diagonale seulement, André Wengler n’y a trouvé en plus aucun argument intéressant.
Quant à moi, je fus déçu de n’avoir trouvé dans l’article d’André Wengler aucune critique précise sauf celle-ci: en favorisant la création de filières différentes tenant compte des connaissances linguistiques des élèves, Meisch aurait créé des filières de qualités différentes, risquant de mener à des bacs permettant pourtant des possibilités d’accession aux études universitaires identiques. L’attrait du moindre effort risquerait alors de conduire à un abaissement du niveau de notre enseignement secondaire.
Cela m’a étonné. J’aurais cru que le ministre avait voulu éviter que les élèves ne disposant pas du multilinguisme des Luxembourgeois en pâtissent et soient ainsi handicapés dans leur vie professionnelle. Ceux des cadres dirigeants du secteur privé, des professions libérales aussi, peuvent être dirigés vers l’enseignement privé. Là encore le choix est grand. L’accès à l’école européenne est réservé aux fonctionnaires européens et à quelques privilégiés. L’enseignement privé est cher, ouvrir aux enfants de parents qui, financièrement du moins, n’ont pas ces possibilités, ne me semble donc a priori pas aberrant. Qu’en général tout tentative d’amélioration risque de ne pas présenter que des avantages paraît évident. Mais l’immobilisme aussi, davantage probablement, mais cela dépend. Critique est nécessaire mais ne devrait pas être uniquement négative.
Paroles d’un non spécialiste, évidemment.
J’ai toujours été attaché à l’enseignement public, surtout primaire. Il me paraît important pour notre cohésion sociale qu’enfants nous fréquentions tous l’école publique. J’aurais tendance à y inclure les enfants des fonctionnaires européens, des conventions internationales s’y opposent probablement.
Mais nous sommes devenus une société multiculturelle, c’est bien et notre enseignement doit en tenir compte. Il y va de l’intégration des résidents étrangers, de l’avenir de leurs enfants. Il y va aussi de l’attractivité du “Standort Luxemburg”, de l’avenir du pays.
Depuis la parution du livre ministériel, une autre réaction a vu le jour, celle du syndicat d’enseignants SEW, affilié à l’OGBL. L’auteur reproche au ministre d’avoir été sourd, tout au long de son mandat, aux arguments des représentants des enseignants. Comme je n’ai pas assisté à ces réunions, je ne peux juger de ce reproche. Mais de critiques précises auxquelles on pourrait réfléchir: on n’y trouve aucune dans la réaction du SEW.
Une dernière remarque. Pour terminer son article, André Wengler y dit avoir fermé le livre avec l’impression d’avoir eu affaire à des pensées néolibérales qui l’indisposaient.
Cette référence au néolibéralisme m’a surpris. L’auteur reproche probablement au ministre d’avoir orienté sa politique d’enseignement en fonction de l’offre d’emplois, des besoins du “marché”, plutôt que de favoriser la formation culturelle et le sens critique des étudiants.
Dans ce cas querelle de connaisseurs dans laquelle je garde de me mêler.
Quant à la signification du terme “ultralibéral”, elle a changé avec le temps, les circonstances et l’orientation politique ou professionnelle de ceux qui l’emploient. Dans le contexte de la présente, il ne s’agit certainement de rien de positif. C’est le souvenir pénible de Bush junior et de Donald Rumsfield qu’il évoque pour moi. C’est un terme que j’évite à utiliser tant il prête à confusion.
Ce dont je suis cependant certain, c’est que si j’en affublait Claude Meisch, il m’en voudrait. À mon avis avec raison.
Jean Hamilius, en septembre 2018
Voir aussi 2.10 Le Ministère de l’Éducation nationale, le contraire d’une sinécure!, publié en août 2018.