1.14 La brochure pédagogique publiée par le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale

Un article surprenant.

Le “Luxemburger Wort”, dans son édition des 10/11 octobre 2020, a présenté une brochure éditée par le “Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale” informant sur ce qui s’est passé chez nous, en 1940, à la suite de l’invasion allemande. À la lecture de cet article j’ai appris, entre autres, qu’en 1940  selon cette brochure, la Commission administrative remplaçant le Gouvernement parti en exil aurait sévit comme l’avait fait Vichy, traquant les Juifs pour les livrer aux Nazis. Outré par cette comparaison incroyable, j’y ai réagi dans ce blog le jour même. Les jours suivants, réalisant la violence de mes propos, j’ai essayé d’en baisser le ton.

Je me suis ensuite procuré la brochure en question, heureuse surprise: bien faite, elle ne contient aucune des allégations lui prêtées dans l’article du “Wort”. Ce dernier reflète donc les convictions de son auteur et non pas celles de la brochure commentée.

Procédé surprenant !

La  présentation de brochure au “Wort” a cependant suscité chez le soussigné, témoin engagé de ces évènements, des réactions dont voici quelques-unes :

– D’abord quant à l’affirmation que l’histoire telle que racontée par les historiens témoins des évènements serait émotionnelle, subjective, alors que celle des historiens nés après les évènements décrits serait objective, “scientifique”, un préjugé très répandu.

À ce propos le soussigné doit avouer n’être devenu qu’assez tard conscient que l’Histoire n’est pas une science exacte mais une science humaine, comme le sont l’Économie ou la Sociologie. Elle contient des faits, des ” hard facts” incontestables : l’Allemagne a perdu les deux Guerres mondiales. Elle contient aussi des “vérités subjectives” : quelles furent les causes et à qui incombe la responsabilité de ces deux guerres?

On en discute encore aujourd’hui.

Conclusion :  “hard facts” exceptés, la vérité historique ne sera jamais définitivement établie !

– Il en est de même d’une différence entre une “vérité émotionnelle” (celle des témoins des évènements) et d’une “vérité objective” (celle des historiens nés plus tard). Comme si ces derniers étaient dépourvus d’émotions, d’ambitions ou de préjugés: nous sommes tous, malgré nos efforts d’être objectifs, sous l’influence de motivations, souvent inconscientes.

–  Il est regrettable que l’on ne dispose pas d’étude sereine sur les raisons ayant motivé la collaboration de Luxembourgeois avec l’occupant allemand. C’est évidemment trop tard pour le faire maintenant. Il y avait, on le suppose, dans ces motivations pour les uns une admiration de la discipline, de l’efficacité, de la culture et de la science allemandes. Pour d’autres, c’était l’occasion de refaire sa vie, d’accéder à une position sociale inaccessible auparavant. Pour d’autres encore, il s’agissait de s’enrichir, d’avoir de l’avancement. Pour la plupart des Luxembourgeois ce  comportement fut considéré comme une trahison, pénible s’il s’agissait d’un proche.

Ces collaborateurs furent d’ailleurs souvent inoffensifs, n’indiquaient pas, par exemple, aux Allemands où se cachait un déserteur. D’autres étaient des indics zélés au service de l’occupant.

– Le soussigné ne pense pas que le VDB était capable de contrôler efficacement le comportement de la population. La grande majorité de ses membres l’étaient “sur le papier” seulement, étaient totalement inactifs comme membres. Tout le monde connaissait par contre les “Giélemännercher”, susceptibles de les dénoncer. On les évitait, gardait sa langue en leur présence. C’étaient des parias.

– L’article du « Wort » et la brochure relèvent aussi qu’en 1940 les Luxembourgeois non juifs ne venaient guère à l’aide de leurs compatriotes juifs comme ils l’ont pourtant fait plus tard à l’égard des enrôlés de force. On devrait se demander pourquoi : sujet délicat s’il en est !

Pour en trouver les raisons il faudrait pouvoir se replonger dans l’année 1940, avant l’holocauste qui nous empreigne aujourd’hui. Il existe, selon le soussigné, des explications honorables à cette absence d’assistance, d’autres qui le sont moins. Quoi qu’il en soit, il a l’impression que depuis des années on est arrivé à estimer, de part et d’autre, que discuter de  cette question ne servirait qu’à raviver d’anciennes blessures, est devenu inopportun. Et puis : « c’est un anachronisme qui amène à porter un jugement sur des comportements de l’époque en fonction des connaissances et des perceptions que nous en avons aujourd’hui ».

–  Dire que la collaboration a été occultée afin de tromper les Alliés est surprenant et doit paraître quelque peu farfelu à quiconque peut se rappeler les années d’après-guerre.

–  Après la guerre le Luxembourg indemnisait apparemment les Juifs luxembourgeois mais pas les Juifs étrangers. Parmi ces derniers devaient se trouver surtout des Juifs allemands qui s’étaient réfugiés au pays après la ” Machtergreifung ” de 1933 . La responsabilité de leur venir en aide relevait, probablement de l’avis de l’État luxembourgeois, soit de l’Allemagne, soit de la communauté internationale. Et n’oublions pas la situation financière, en ces temps, de l’État luxembourgeois. Suite aux destructions causées par l’offensive Rundstedt, les besoins financiers auxquels il dut faire face furent énormes.

Respectueusement soumis.

Jean Hamilius, le 24 octobre 2020

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