3.16 Un sujet gênant

Le „Wort“ vient de publier une « lettre à l’éditeur » que je lui avais envoyée et dont je voudrais laisser une trace dans ce blog. Ci-après donc le même sujet en français, la lettre ayant été rédigée en allemand.

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Nous nous plaignons depuis des années de la cherté des logements, y cherchons des palliatifs sans guère nous interroger cependant sur les causes du problème. Pour le soussigné il  s’agit avant tout de notre obsession de croître coûte que coûte, économiquement s’entend.

Une croissance économique n’est cependant pas un bien absolu. Elle peut avoir comme effet une amélioration de la qualité de vie tout comme sa détérioration. Chez nous elle entraîne généralement une augmentation du nombre des frontaliers suivi, inexorablement, de celui des résidents. On en devine les suites, non seulement pour la pénurie des logements, des difficultés de circulation et des insuffisances de nos infrastructures publiques, mais encore pour notre environnement naturel.

Notre croissance économique est ainsi un « mixed blessing ». Elle devrait  être  sélective respectant des critères précis et connus.

Cette recherche d’une croissance économique est motivée par une autre exigence, jamais mentionnée mais bien réelle, contraignante même. Elle provient de l’insuffisance des réserves mathématiques de notre système d’assurance vieillesse du secteur privé. Exprimé en anglais un système d’assurance-pension en “stand alone” exige de choisir entre deux principes, ou bien on opte pour un «fixed income and a flexible contribution” ou bien pour un “fixed contribution and a flexible income” : ou bien donc pour une pension  qui varie en fonction des cotisations payées  et de leur produit, compte tenu de  l’espérance  de vie du bénéficiaire ou bien le montant mensuel de la cotisation est périodiquement ajusté en fonction du coût probable du service de sa pension dont le montant est fixé.

Du point de vue d’un actuaire, c’est l’un ou c’est l’autre. Nous avons cependant choisi un « fixed contribution and a fixed income », système non viable. Ce défaut est compensé chez nous par la disposition que l’État prend en charge les conséquences financières qui peuvent en résulter. Ce qui n’a pas manqué d’arriver.

Ce complément de financement a grandi maintenant à point que dans quinze ou vingt ans il deviendra tout à fait impayable et qu’une réforme ne pourra plus être évitée. Soit les cotisations devront être augmentées, soit l’âge de la retraite reculé, soit les pensions diminuées, ou encore une combinaison de ses mesures devra être introduite. Pour que cette faille de notre système d’assurance pension ne se matérialise qu’aussi tard que possible, il faut que les cotisations des assurés actifs augmentent, donc que leur nombre augmente, que notre économie croisse.

Une telle croissance tend vers l’infini, est impossible, est un système Ponzi.

Le jour où cette réforme ne pourra plus être évitée et si les résidents de nationalité étrangère n’ont alors toujours pas le droit de participer aux élections législatives et restent exclus de la fonction publique, une minorité luxembourgeoise détiendra les pouvoir législatif, exécutif et judiciaire, c’est à dire tous les pouvoirs de l’État. Le secteur privé, quant à lui, fonctionnera presqu’exclusivement grâce aux étrangers, résidents ou frontaliers.  Et dans ces conditions les Luxembourgeois devront décider de baisser les conditions d’assurance vieillesse du secteur privé !

Une situation inédite, explosive, conduisant à  ce qu’on exigera un régime-pension unique, non contributif !

Perspective cauchemardesque pourtant réaliste si rien ne change, si nous continuons à fermer les yeux, si nous laissons la solution du problème à nos enfants et à nos petits-enfants.

Je ne peux qu’espérer de me tromper en écrivant la présente. Merci à ceux, à celles qui voudront s’en charger !

JH, le 20 décembre 2021

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