Les conséquences de la pandémie pour la Banque centrale européenne.
De mémoire d’homme, il n’y a pas de précédent pour la pandémie que nous vivons en ce moment. Donc pas de précédent non plus pour prévoir les suites économiques et sociales auxquelles nous devons-nous attendre. Et la fin du fléau est incertaine !
La Banque Centrale Européenne est en train d’ouvrir des lignes de crédit colossales aux États Membres et aux banques qu’ils abritent. De leur côté les États versent des moyens de payement énormes dans leurs économies, que ce soit sous forme de crédits remboursables ou de subsides. Normalement cette création d’argent devrait avoir les mêmes effets que l’impression massive de billets de banque : une perte de valeur de l’Euro ou, en d’autres termes, une inflation. Si elle est bénigne, l’inflation peut être favorable à l’économie : elle allège le poids des dettes, quelles soient publiques ou privées. Elle n’est cependant guère favorable aux économiquement faibles qui n’ont pas accès à la propriété immobilière et dont l’épargne est érodée.
La Banque Centrale Européenne et les banques centrales en général ne sont pas seules à augmenter le volume des moyens de paiement. En accordant des crédits à leurs clients, les banques commerciales font de même. En haut lieu on essaye, en temps normaux, d’en limiter le volume en imposant aux banques de placer un certain pourcentage de leurs disponibilités à leur banque centrale ou de maintenir un certain degré de liquidités. Efficaces en temps normaux, mesures dérisoires aujourd’hui.
Remarquons à ce propos que si on a coutume de monter en épingle l’accroissement de l’endettement des pays ou des entreprises, on ne souffle mot de l’accroissement de créances correspondant. Pourtant : là où il y a des débiteurs, il y a forcément des créanciers !
Alors, qui sont ces créanciers dont on ne parle guère ?
Ce sont surtout les banques, nationales ou privées et, en dernier ressort, la Banque Centrale Européenne. Et à qui appartient cette dernière ? Aux États Membres bien sûr. Et à qui appartiennent ceux-ci ? A leurs peuples pardi, à qui d’autre ?
La boucle est ainsi fermée : globalement les dettes et les créances sont en équilibre et, en dernière analyse, appartiennent à des hommes et des femmes, d’une façon fort inégale d’ailleurs : si un jour il n’y avait plus d’humains sur terre, il n’existerait plus ni créances ni dettes…
Le paquet global de créances/dettes se renouvelle constamment. De nouveaux couples « dette/créance » s’y joignent, la plupart en disparait par un remboursement. Ceux qui ne disparaissent pas ainsi le font à la suite de faillites ou de déconfitures. L’inflation diminue le poids du solde : “d’Beem wuessen net an den Himmel”.
Considération moins anodine : très probablement la BCE devra un jour se résoudre à annuler une partie de ses créances envers les États Membres incapables de payer leurs dettes. Cette annulation se fera forcément aux dépens d’autres États, normalement en fonction de leur participation dans le capital de la BCE. L’Allemagne est en tête de leur peleton !
Problème similaire à l’émission d’Euro-bonds qui fait actuellement l’objet d’âpres négociations au sein de l’U.E. : encore de belles batailles entre États Membres en perspective !
À part ces considérations monétaires, la pandémie aura d’autres conséquences et cela pas seulement en Union Européenne. Citons-en, pêle-mêle, quelques-unes :
- dans certains pays les écarts sociaux auront grandi démesurément : les uns se seront tiré tant bien que mal de la crise, d’autres se trouveront dans la misère : troubles publics et changements de politiques en perspective, en bien et en mal ;
- Incapacité des États à décider de l’affectation des crédits obtenus ou accordés, à des transferts sociaux ou à des investissements et auxquels ou lesquels ?
- des entreprises qui souvent se trouvaient déjà en difficulté avant la crise, n’y auront pas survécu. Clôtures, fusions et faillites en perspective, socialement presque toujours douloureuses, économiquement parfois utiles ;
- le comportement des gens aura changé : habitudes de consommation, modes de vie, conscience écologique, priorités budgétaires, choix politiques : changements pour le mieux, on l’espère ;
- le tourisme, exotique surtout, va souffrir, les safaris, les voyages en avion vont diminuer, s’embarquer pour une croisière, rester confiné pendant des semaines dans un espace isolé, avec des centaines sinon quelques milliers d’inconnus, payer cher ce “privilège” … pour beaucoup ce sera devenu un cauchemar plutôt qu’un rêve ;
- le travail à domicile aura gardé des adeptes et changera durablement l’organisation administrative avec des conséquences pour la conception des immeubles de bureau aussi bien que les logements, stimulera la programmation informatique ce qui entrainera d’autres conséquences ;
- la globalisation, le pluralisme du commerce international auront pris un coup : l’Europe voudra mieux maitriser la recherche scientifique ainsi que les techniques et les moyens de production indispensables à son indépendance économique et politique.
On pourrait continuer avec cette énumération. Mais une question taraude en particulier le soussigné : l’Union Européenne sortira-t-elle renforcée de la crise, aurons-nous maîtrisé les relents nationalistes actuels ou deviendra notre Union Européenne une puissance mondiale de deuxième rang, les plus grands de ses pays-membres d’un rang inférieur encore ?
On peut toujours espérer !
JH, 05.05.2020