Comme quoi la protection de la nature risque d’impliquer des renoncements.
Mise en garde contre les excès de zèle écologique, assertion qu’économiser l’énergie et améliorer le pouvoir d’achat sont des revendications contradictoires.
Lisant le “Kloertext” du “Lëtzebuerger Journal” du samedi 17 novembre 2018, j’ai un peu tiqué lorsque son auteur, Romain Poulles, y parle du “bienfait des maisons passives dorénavant imposées, souvent avec raison”. Tout en appréciant cette acceptation indirecte que cette contrainte puisse «parfois» manquer de justification, ma critique est plus fondamentale, est de principe.
Il y a des années j’ai défendu dans ce blog (voir l’article 3.01) la thèse que le prix de toute chose produite par l’homme est représentatif de l’énergie ayant servi à la produire. Il y a bien sûr beaucoup de “mais” à y opposer, par exemple: qu’en est-il du travail humain? Le prix d’une toile de Picasso ne correspondant guère à l’énergie ayant servi à la peindre. En général et à défaut d’autres étalons, je reste cependant convaincu de l’utilité de cette thèse.
Si on l’accepte, ne fusse que comme base de discussion, on arrive à des conclusions intéressantes: les uns ne chauffent que modérément leur living, d’autres préfèrent une maison douillette. Qui peut mieux juger du degré d’isolation souhaitable de sa demeure, compte tenu de son coût et de l’économie d’énergie en escomptée, que son occupant, à condition qu’il soit bien informé et conseillé?
Autre exemple: l’achat d’une voiture électrique bénéficie de subsides publiques parce qu’apparemment plus économique en énergie et moins polluante. Plus économique? Qu’en est-il alors de l’énergie ayant servi à la produire et, plus tard, à disposer correctement de sa carcasse, des métaux rares de sa batterie? Moins polluante? Mais que faut-il en penser si l’énergie ayant servi à la produire et l’électricité à la propulser proviennent du lignite, pollueur par excellence?
Dernier exemple: je n’utilise ma vieille voiture plus que très modérément. Or le Gouvernement m’encourage financièrement à la replacer par une nouvelle acquisition qui finira, elle aussi, à la casse. Si je garde mon ancienne voiture, je consommerai certainement davantage d’essence. Cette dépense d’énergie supplémentaire risque cependant de se révéler dérisoire comparée à l’énergie ayant servi à produire une nouvelle voiture. Un rapide calcul financier confirmera ce résultat, confirmera ainsi l’utilité d’un raisonnement économique en matière écologique.
L’octroi de subsides pour économiser l’énergie ne peut tenir compte de telles situations individuelles. C’est donc au consommateur que l’on devrait laisser la décision comment utiliser son argent. Tenter de l’influencer par des subsides ou pis, le forcer, risque de fausser les décisions des consommateurs et de mener à une dilapidation tant d’argent public que d’énergie.
Si l’augmentation du pouvoir d’achat et l’économie d’énergie paraissent ainsi incompatibles, il en est autrement du bannissement autoritaire de l’énergie polluante ou non renouvelable, de l’encouragement de l’énergie propre et renouvelable. Il s’agit là d’une politique de protection de l’environnement que même un Gouvernement épris des libertés individuelles doit soutenir des deux bras.
Diminuer la consommation d’énergie tout en augmentant le pouvoir d’achat risque ainsi d’être un contre-sens, une revendication contradictoire. Améliorer par contre la qualité de vie à pouvoir d’achat égal paraît non seulement désirable mais également possible. Un petit pays comme le nôtre ne peut cependant jouer les pionniers en de telles matières. Cela nécessiterait qu’on adapte un mode de vie fort différent de notre société de consommation actuelle, que l’on accepte de devenir moins «riche» que nos voisins.
Bonne chance à la formation politique qui le tentera!
Jean Hamilius, le 20 novembre 2018