4.05 Les gilets jaunes

Un phénomène bien français.

À propos des émeutes provoquées en France par les gilets jaunes: ont-ils, moralement, le droit de se révolter violemment?

Prémonition

Pour quelqu’un vivant à Luxembourg, ce qui vient de se passer en France et qui risque de s’amplifier, est à la fois surprenant et inquiétant. Preuve probablement que l’on ne s’y rend pas compte de la frustration qu’éprouvent beaucoup de Français qui n’arrivent pas à s’extirper durablement d’une situation matérielle précaire qui dure depuis trop longtemps.

En outre et en amputant, ne fusse que très marginalement, des pensiondéjà minimes, le Gouvernement français a probablement donné à beaucoup de ses administrés l’impression d’être insensible leur situation.

Quoi qu’il en soit et malgré le danger de paraître, lui aussi, insensible aux problèmes d’autrui, le soussigné voudrais partager avec ses lecteurs sa réaction à ces évènements en France.

Principe proposé:

«Lorsqu’un citoyen est privé de ses libertés essentielles, lorsque dans la société dans laquelle il vit les droits de l’homme ne sont pas respectés, lorsqu’il n’y a pas d’autre moyen pour échapper à la dictature et pour retrouver sa dignité, alors la révolte, même violente, est moralement justifiée.

Cependant, lorsque le citoyen vit dans une société démocratique dans laquelle les élections se déroulent d’une façon correcte, où les élus arrêtent les lois, nomment, contrôlent et peuvent démettre le gouvernement, où la justice est indépendante, les droits de l’homme largement respectés, alors une révolte violente n’est moralement pas admissible.»

Si on accepte ce principe, alors la décision des “gilets jaunes” d’organiser le 24 novembre 2018 desdémonstrations me paraît, en principe, avoir été en ordre. Celle de récidiver le samedi suivant, au vu des graves incidents qui venaient de se produire, est moins évidente. Comme la première, elle aurait normalement exigé l’autorisation de défiler. Faute d’une organisation représentative du mouvement, cela n’a pas eu lieu.

Commentaire:

Lors des émeutes des samedi 24 novembre et 1er décembre, la majorité des manifestants était composée d’hommes et de femmes de tout âge, honorables, n’ayant au départ aucune velléité de commettre des violences.

Deux choses se sont alors produites.

Pouvant impunément défiler sur les Champs Élysées, malgré la défense de le faire, se trouvant anonymes dans une foule animée par des sentiments communs, a donné à beaucoup un sentiment de liberté, d’impunité inhabituel, enivrant.

La présence de casseurs, se livrant impunément à des actes de vandalisme de plus en plus violents, a alors agi comme un catalyseur, entrainant une partie des protestataires, normalement paisibles, à se joindre aux casseurs.

Ma façon de voir ainsi les choses, de croire que d’honnêtes gens puissent se muer en casseurs, est, due à deux expériences:

À l’Université libre de Bruxelles, l’anniversaire de sa fondation était célébré, lorsque j’y étudiais, par des cortèges bruyants d’étudiants, cortèges comprenant des chars décorés de symboles grossiers, conspuant les “bourgeois”, n’épargnant pas les autorités, y inclus le Roi et sa famille. C’était du temps de la “question royale”, Léopold II se trouvant sur le trône. Ces cortèges, lorsqu’ils se disloquaient, donnaient régulièrement lieu à des escarmouches avec les gendarmes. Le soir et la nuit suivante furent ensuite marqués de tournées de cafés et de bars parfois fort déchainées. Cela de la part d’étudiants ayant normalement un comportementcorrect, possiblement entrainés par des camarades moins recommandables.

Le lendemain tout rentrait dans l’ordre…

La deuxième expérience eut lieu, des années plus tard, lorsqu’un jour je me rendis en train à Paris. À Metz une foule bruyante, chaussée de baskets, portantbrassards et foulards rouges, agitant joyeusement des drapeaux rouges, entrait dans le train: on se rendait à Paris pour y défiler, manifester, braver la police, interrompre la circulation, montrer force et cohésion, une aventure bien venue, une journée de franche camaraderie en perspective.

J’appris plus tard que leur descente sur Paris avait été émaillée d’incidents.

Comment agir dans de tels cas lorsqu’on est responsable de l’ordre public? Question délicate à laquelle je ne saurais répondre.Mais casser la baraque et rendre le pouvoir en place responsable des difficultés que l’on a de boucler ses fins de mois, croire que si on le chasse les choses iront automatiquement mieux, rendre Macron, Président depuisdeux ans, responsable de tous les malheurs, est faire preuve ou bien d’une naïveté désarmante ou bien d’un désespoir abyssal.

La situation de la France est le résultat d’un long passé politique, le résultat d’élections et de gouvernements successifs. Elle l’est aussi du caractère français, tour à tour frondeur ou féal, et toujours fier de l’être.

J’en prends comme preuve les grèves successives ayant comme résultat que, sous l’œil ébahi de l’étranger mais dans une ambiance de compréhension bienveillante, les Français en bloquant les routes, paralysant les chemins de fer, s’emm… mutuellement.

Comme le disait De Gaulle: il est difficile de gouverner un peuple ayant250 sortes de fromages!

Jean Hamilius, le 1er décembre 2018

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Postscriptum n° 1

N° 1 parce que je crains qu’il y en ait d’autres.

Aujourd’hui, jour de la St Nicolas, j’ai appris deux choses:

Venant de l’ultra droite américaine, il circule depuis quelques semaines en France, via des centaines de milliers de messages «facebook», la rumeur qu’il existe entre les élites dirigeantes européennes un complot secret visant à ouvrir toutes grandes les portes à l’immigration afin que les Européens rouspéteurs soient progressivement remplacés par une main d’œuvre docile.

D’autre part ettoujours en France, une majorité sympathiseraitavec les gilets jaunes, les encourageraient même, ce qui promet des manifestations de plus en plus violentes.

On plaint les agents de police, pas mieux payés que beaucoup de manifestants, qui se font conspuer et frapper dessus!

Mes réactions:

Oui, il y a de la misère en France, mais le gros des manifestants ne me paraissent nullement dans la misère même s’ils n’arrivent pas à se sortir définitivement de conditions matérielles difficiles.

Aussi compréhensible que soit leur révolte, il reste le fait que ce n’est pas leur Gouvernement qui peut puiser dans ses poches pour les satisfaire. Leurs revendications s’adressent à l’État français, donc à la France et ce qu’elle donne aux uns, elle doit le prendre aux autres ou l’emprunter. Emprunter pour consommer!

Mais qui sont les “autres” aux poches profondes? Ce sont les riches et les grandes entreprises. Mais si on faisait le calcul, on s’apercevrait que ce que l’on peut prendre aux riches ne suffirait pas pour améliorer sensiblement et durablement la situation des pauvres. En attendant, en “cassant la baraque”, on risque de casser la machine à produire des valeurs et ce seront toujours les mêmes qui en souffriront.

Il reste que le Gouvernement a commis des erreurs psychologiques. Je m’en rends compte un peu tardivement.Supprimer l’impôt sur la fortune, défendable économiquement, s’avère avoir été une erreur politique. Poursuivre de petites réformes (80 km/h au lieu de 90 km/h), a inutilement offusqué, envenimé le climat. Diminuer, ne fusse que de quelques Euros, de petites pensions, reste incompréhensible. Il aurait probablement mieux valu se concentrer sur les grands problèmes et de ne pas essayer de tout chambouler.

JH, le 6 décembre 2018

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