3.06 « Risk management » et endettement public au Luxembourg

Le Luxembourg devrait pallier, autant que se peut, le risque d’un dérapage massif de sa place finançière.

Au courant de la semaine du 24 octobre 2016, le “Luxemburger Wort” a publié deux articles qui se complètent. Tout d’abord un texte de Robert Goebbels au sujet du danger, faible mais réel, d’une crise économique grave et durable frappant notre pays, ensuite une étude d’André Bauler et de Patrice Pieretti au sujet de la nature d’un endettement public.

Ci-après il est essayé de développer la problématique ainsi évoquée en se limitant au cas spécifique de notre pays.

Quel est le modèle luxembourgeois, son “business plan” et quel en est le risque le plus grave qu’il puisse devoir, seul, affronter un GAU, un größter anzunehmender Unfall?

Petit pays devant importer le plus clair de ses besoins, la fourniture de services financiers a remplacé au Luxembourg la sidérurgie comme principal moteur de l’économie. Or, pour une place financière, rien n’est plus important que la solidité de son environnement, sa bonne réputation, la confiance de ses clients.

C’est ici qu’intervient la signification de notre dette publique.

Un grand pays, surtout s’il dispose de la souveraineté monétaire, peut fonctionner dans la durée tout en recourant à l’emprunt pour combler le déficit de ses dépenses. Avant l’avènement de l’Euro, la France et l’Italie en ont été des exemples. Grâce à l’inflation endémique causée par une politique de finances publiques laxiste, l’accroissement numérique de leur dette publique s’est trouvé régulièrement compensé, du moins en partie, par l’érosion de la valeur de leur monnaie. Qu’une telle politique ne constitue pas une panacée, le succès économique de l’Allemagne, poursuivant une politique contraire, l’a démontré.

Depuis lors et pour les pays membres de la zone euro, la donne a changée. Il reste que maint esprits, surtout aux deux extrémités de l’éventail politique, y regrettent la perte de la souveraineté monétaire nationale, espèrent pouvoir renouer un jour avec le jeu des dévaluations agressives, rechignent à se plier à la discipline imposée par une monnaie commune.

Dans ce contexte mentionnons, pour mémoire, le perçée récente de l’affirmation qu’en cas d’absence d’inflation, comme c’est le cas aujourd’hui tant aux Etats-Unis qu’en Union européenne, un accroissement de l’endettement public soit de mise.

Cette discussion concerne les grandes économies, celle d’un petit pays comme le nôtre s’apparente plutôt à la politique à mener par une société privée, grande certes, mais ne disposons pas d’une autonomie monétaire.

Revenons donc à nos moutons, au Luxembourg.

La situation du Luxembourg s’apparente donc à celle d’une grande société commerciale dont le succès est en plus basé sur une gamme réduite de produits. Tout en essayant de diversifier sa production afin de réduire cette dépendance, une telle société veillera à la qualité et à la bonne réputation de ses produits phares et évitera tout acte pouvant leur porter atteinte. Il ne lui viendrait pas à l’idée, en cas d’une diminution grave de sa rentabilité, de continuer à distribuer de plantureux dividendes s’il lui faut emprunter pour ce faire.

Le risque majeur pour notre pays c’est qu’un accroc majeur, dont la cause peut se trouver à l’étranger, entame profondément la prospérité de sa place financière, diminue les recettes fiscales et l’oblige non seulement à accroître son recours à l’emprunt mais aussi à augmenter la pression fiscal, à procéder peut-être à des coupes budgétaires douloureuses risquant de provoquer des remous sociaux.

Une telle évolution ne serait évidemment guère propice à la confiance accordée par l’étranger au pays, aggravant ainsi le problème. On se trouverait alors au début d’une spirale fatale menant à la perte de la notation AAA et de ce fait à une augmentation du taux d’intérêt à payer pour le renouvellement et l’augmentation de la dette publique.

Il s’agit là d’un scénario noir, d’un GAU heureusement peu probable, mais pas impossible. On hésite à l’évoquer ouvertement, à en discuter. L’occulter, l’ignorer serait cependant irresponsable.

Aux responsables à décider dès lors s’il suffit de maintenir le niveau de notre endettement public à un pourcentage modéré et stable PIB ou s’il faut en maintenir, voire diminuer la valeur absolue. Aux responsables aussi de s’interroger sur la nécessité individuelle des investissements publics. Les bienfaits de teur contribution au développement de nos infrastructures l’emportent-elles sur la contribution de leur financement à la dette publique, à la vulnérabilité systémique du pays?

La réponse à l’interrogation ainsi soulevée n’est pas évidente. Il s’agit de choix, de jugements, d’appréciations subjectives, essentiellement politiques. Le soussigné avoue à ce sujet son penchant conservateur, du peut-être à son âge.

Dans ce contexte il est particulièrement difficile d’accepter qu’en cas de ralentissement économique, le Gouvernement luxembourgeois recoure à l’emprunt pour soutenir la consommation intérieure. Il s’agirait en effet d’une mesure conduisant à soutenir surtout l’importation de produits de consommation, souvent de luxe, des vacances coûteuses à l’étranger aussi. Le Luxembourg soutiendrait alors l’économie d’autres pays tout en augmentant son endettement, sa vulnérabilité.

JH, en octobre 2016

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